
14/12/2021
Civil - Personnes et familles
L’avocat doit veiller à son indépendance. Cependant, s’il se retrouve en situation de dépendance économique vis-à-vis de son client qui en tire un avantage excessif, alors il peut invoquer la violence, comme tout contractant, afin d’annuler la convention d’honoraires les liant.
La procédure. – Les juges du fond constatent les difficultés financières de l’avocat : il ne peut plus payer les loyers de son local professionnel et sa secrétaire préfère quitter le cabinet en raison de ses difficultés économiques. La cour d’appel retient que l’avocat est dépendant de l’AGS. Celle-ci, dans son dernier courrier, lui adresse un ultimatum. Elle ne démontre pas la réalité d'un accord librement consenti entre eux. La cour d’appel annule la convention d’honoraires les liant pour vice du consentement et condamne l’AGS à lui verser la somme de 252 350 euros TTC au titre des procédures d’appel.
L’AGS se pourvoit en cassation. Selon elle, « seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, permet de caractériser ce vice » (du consentement). L'avocat qui exerce ses fonctions avec indépendance ne saurait se placer en situation de dépendance économique vis-à-vis de l'un de ses clients.
La solution. – La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Elle rappelle, d’une part, que la violence exercée contre celui qui a contracté l'obligation est une cause de nullité (C. civ., art. 1111 ancien, applicable à la cause) et que, d’autre part, la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante et, selon son article 3, l'avocat prête serment d'exercer ses fonctions « avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité » (L. n° 71-1130, 31 déc. 1971, art. 1er).
Elle ajoute que « S'il résulte de ces deux derniers textes que l'avocat doit en toutes circonstances être guidé dans l'exercice de sa profession par le respect de ces principes et s'il doit, en particulier, veiller à préserver son indépendance, ces dispositions ne sauraient priver l'avocat, qui se trouve dans une situation de dépendance économique vis à vis de son client, du droit, dont dispose tout contractant, d'invoquer un consentement vicié par la violence, et de se prévaloir ainsi de la nullité de l'accord d'honoraires conclu avec ce client. »
L'avocat se trouvait dans un état de dépendance économique caractérisé à l'égard de l'AGS, et cette dernière en avait tiré un avantage excessif. L’arrêt en a déduit à bon droit « que cette situation de contrainte était constitutive d'un vice du consentement au sens de l'article 1111 ancien du Code civil, excluant la réalité d'un accord d'honoraires librement consenti entre les parties, et fixe les honoraires dus à l'avocat en application des critères définis à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ».
Ce qu'il faut retenir. – En application de l'article 1111 ancien du Code civil (devenu 1142), la Cour régulatrice approuve le juge du fond :
- d’avoir appliqué le droit commun du contrat : l’avocat peut, comme tout contractant, invoquer un consentement vicié par la violence pour demander la nullité d’une convention d’horaires ;
- et d’avoir qualifié la situation de contrainte économique dans laquelle se trouve l’avocat (dépendance économique et abus de la situation par le client : ici, circonstances de fait particulières) de violence, vice du consentement (voir par exemple Cass. 1re civ., 3 avr. 2002, n° 00-12.932, Bull. civ. I, n° 108).
Pour aller plus loin, voir Le Lamy Droit du contrat, n° 660.